L’homme se construit dans les épreuves (espoir et sentiments)
Le besoin d’écrire me pousse aujourd’hui à livrer un ressenti personnel et à dévoiler une partie de moi-même, [1] A partir d’une situation inimaginable il y a quelques mois au-delà du fond de l’affaire sur lequel je reviendrai plus tard. [2]
L’emprisonnement produit un choc psychologique incitant à la remise en question sur la base de principes. Cette privation de liberté est d’abord et avant tout une sanction. Si elle n’est pas un bien en soi, elle peut toutefois permettre un plus grand bien. [3] A titre personnel, cette histoire me ramène au 8 janvier 2007, date du décès de Louis qui m’avait fait basculer dans “une autre vie”et qui déboucha, 3 ans plus tard, sur ma conversion. Un schéma assez semblable tend à se reproduire (choc, remise en question, progression), car il y aura assurément un avant et un après La Farléde.
Ici on prend son mal en patience, on fait un peu de sport et on espère des jours meilleurs. Avec les anciens, on s’encourage à s’accrocher, à tenir bon. Certains n’y parviennent pas et flanchent dans leur tête, comme ce corse de notre étage qui s’est suicidé lors de la saint Valentin. Durant ces longues journées, on gamberge beaucoup. L’âme tourmentée, on se pose un tas de questions qui restent sans réponse. Ai-je été trop imprudent ? Ai-je répondu aux attentes placées en moi ? Ai-je toujours fait les efforts nécessaires et donné le meilleur de moi-même ? Ai-je été suffisamment exemplaire ? Ai-je fait intégralement la volonté de Dieu ?
Dans cette micro-société vivant en marge de la société, j’apprends donc à patienter. Je m’adapte à cette situation nouvelle et vis cette incarcération comme une épreuve spirituelle. Une dure et longue épreuve qui doit me consolider en tant qu’homme.
Entre les murs froids de cette prison varoise, entre les doutes et les rancœurs, entre les barres de fer et les barbelés, entre 2 promenades, une série de pompes et un match de rugby télévisé, je m’accroche au rosaire et essaie de progresser dans ma vie intérieure. La foi renforcée ; en quête de rédemption et de sainteté.
J’évite de trop penser à cette lourde peine (18 mois ferme + 6 mois avec sursis). Et je pense aussi , le cœur meurtri, que ces mois de pénitence sont peut-être le chemin que Dieu permet afin que je devienne un homme meilleur. Ce chemin passe par des souffrances. Il doit mener au salut. Cette souffrance venant de l’extérieur se vit à l’intérieur, et inversement, et réciproquement. C’est ainsi que se soudent des liens. Car la prison n’empêche pas les sentiments ni les émotions. Au contraire, elle les exacerbe. Le regard tourné vers l’après, la vraie vie, je pense à l’appel d’Aix-en-Provence, à tous ce gens formidables qui m’entourent par courriers, j’écris, j’évade mon esprit, j’écris encore et récite le rosaire jusqu’à l’épuisement.
Bien que préparé psychologiquement à cette éventualité, je dois avouer que cette période est moralement difficile. Mais je n’oublie toutefois jamais qu’il ne s’agit que d’une épreuve et que l’homme se construit dans les épreuves. Tout au long de sa vie, il commet des erreurs, il vit des échecs, des trahisons, des défaites. Il subit parfois des événements malheureux (décès d’un proche, maladie grave, perte d’emploi…). A l’image du Christ lors du portement de la croix, il chute mais doit toujours se relever. Il apprendra alors de ses erreurs, de ses coups durs. Il avancera en faisant face à toutes les difficultés et il se forgera un mental. L’homme se construit à travers ses épreuves . Il grandit en parvenant à les surmonter.
Pris dans un tourbillon judiciaire, je n’ai même pas pu dire «au revoir» à mes enfants. Ils doivent être tristes. Ils me manquent terriblement. Avec mes proches, nous sommes sans nouvelles. Mes gamins sauront un jour la vérité et ils comprendront. En attendant ce moment, leur souvenir perturbe mes nuits. Leurs visages surgissent comme des flashs. Aujourd’hui, leur papa est dans le dur. Mais demain sera un autre jour. On emprisonne certes des hommes mais on n’enferme pas l’espoir ni les sentiments.
Johan Livernette le 28 février 2021
[1] Que Dieu me pardonne si mon propos paraît impudique ainsi que l’emploi de la première personne du singulier.
[2] Sous la forme d’un «roman».
[3] Si elle est bien comprise et digérée.
Je dédie ce texte à ma mère qui a toujours été là dans les durs moments de ma vie (du 28 février 1983 jusqu’à ce jour).
Je remercie tous ceux qui prennent le temps de m’écrire pour m’apporter leur soutien.
Remerciement spécial à Patrick dont l’action rappelle celle de Simon de Cyrénée.
Ceux qui veulent me soutenir peuvent le faire en commandant mes livres aux éditions Saint-Rémi.
Voici l’adresse pour m’écrire :
Johan Livernette
n° d’écrou : 25532
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