Ceux qui croient au caractère prétendument « viril » de l’islam aurait dû lire la quinzième note de « La révolution mondiale des peuples de couleur » sur le site « Éléments d'éducation raciale » : https://elementsdeducationraciale.wordpress.com/2014/05/26/la-revolution-mondiale-des-peuples-de-couleur/.
« La croyance au caractère viril de l’islam était fort répandue chez les orientalistes et les traditionalistes contemporains de Spengler et, encore aujourd’hui, elle a la vie dure. Pour se rendre compte à quel point elle est erronée, il faut revenir sur les cinq aspects principaux de la civilisation dans laquelle Mohammed a prêché l’islam : premièrement, les Arabes étaient organisés en groupes tribaux, ces groupes tribaux étant fondés sur les liens de parenté. Deuxièmement, ils avaient un panthéon de divinités. Troisièmement, la vertu fondamentale était la « murûwa », c’est-à-dire les qualités du « big man », du chef, du patronage de qui tous les membres de la tribu dépendaient. Quatrièmement, le but suprême de la vie résidait dans l’accomplissement d’actes dont les générations se souviendraient ; cinquièmement, le modèle de légitimation était fondé sur la tradition ancestrale.
Mohammed mit en question chacun de ces aspects. Il les inversa : premièrement, le critère de légitimation ne serait pas « ce qui a toujours été fait », mais « ce que Dieu a envoyé », à savoir la révélation ; deuxièmement, le but suprême de la vie réside dans le retour à Dieu , d’où chacun était issu, le Jour de la Résurrection ou du jugement ; troisièmement, compte tenu de l’ objectif, la vertu de « celui qui craint Dieu » ou de celui qui se prépare pour le grand jour devient primordiale – donc, non pas la virilité, mais « Taqwa » (l’humilité et la crainte de Dieu). Quatrièmement il y a un seul Dieu, qui est unique, car il n’a ni consorts, ni égaux ; cinquièmement, l’unité fondamentale de la société humaine n’est pas à la tribu, mais l’oumma, une communauté fondée sur la piété. Ici, le critère n’est pas la lignée ancestrale, la richesse ou tout autre aspect de l’existence mondaine : « Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. » (49:13) (voir Lawrence C. Becker et Charlotte B. Becker, Encyclopedia of Ethics, vol. 1, Routledge, New York, 2001, p. 890)
« Murûwa » est traduit, entre autres, par courage, bravoure, générosité, zèle et, précisément, virilité ; comme « murûwa » dérive de « mar‘ », « homme », ce dernier sens paraît tout à fait plausible à un non arabisant ; cependant, des arabisants ont signalé que, dans une de ses acceptions, il désigne l’« humanité » et, dans une autre, un « idéal », un idéal masculin ; comme cet idéal inclut toutes les valeurs chevaleresques (Tarek Al No’man, »La responsabilité dans la culture arabe islamique », traduit de l’anglais par Laurent Bury, in Edith Sizoo (sous la dir.), Responsabilité et cultures du monde : dialogue autour d’un défi collectif, Ed. Charles Léopold Mayer, Paris, 2006, p. 202) et que celles-ci, dans l’Arabie préislamique comme, plus tard, dans l’Europe du « moyen-âge », outre le culte de l’honneur et celui des armes, comprennent le culte de la femme, « murûwa » ne se superposerait pas à « virilité » et serait même assez éloigné du sens véritable de ce dernier terme. »